L’interview du procureur général de Mons dans « Le Soir »
L’interview du procureur général de Mons dans « Le Soir »

L’interview du procureur général de Mons dans « Le Soir »

Vanessa Matz (cdH): Madame la présidente, monsieur le vice-premier ministre, je présume que, comme moi, vous avez été particulièrement interpellé ce matin par les propos d’un des plus hauts magistrats de notre pays, le président du Collège des procureurs généraux, Ignacio de la Serna, qui mentionnait dans une interview au journal Le Soir : « Nous ne parvenons plus à traiter tous les dossiers. »

Ce constat est terrible. Il parlait entre autres des dossiers de la criminalité financière organisée, du grand banditisme. Et il disait que la police judiciaire est en sous-effectifs.

Vous allez probablement me répondre : « Je suis ministre de la Justice, pas ministre de l’Intérieur. »

Moi, je vous interroge à deux titres. D’une part, il s’agit évidemment ici du fonctionnement de la justice qui est mis en cause. La justice ne fonctionne plus sur ces dossiers-là. D’autre part, vous êtes vice-premier ministre et vous avez, à ce titre, participé avec d’autres à un certain nombre de réductions budgétaires au niveau de la police judiciaire fédérale (PJF).

Il y a des mois, des mois et des mois que nous demandons, notamment via la ministre de l’Intérieur, des moyens complémentaires pour cette PJF. D’autres magistrats se sont exprimés, ainsi que d’autres associations, sur d’autres sujets, notamment la traite des êtres humains, pour laquelle il n’y a plus de section de la PJF, notamment à Mons et à Charleroi. Il y a eu des demandes répétées. La réponse qui a été donnée, c’est 104 millions d’euros de réductions budgétaires sur la PJF sur trois ans.

Ce sont bien sûr des chiffres exacts.

Monsieur le ministre, comment allez-vous convaincre votre collègue de l’Intérieur que la justice doit fonctionner avec une PJF qui soit dotée ? Je vous remercie.

Vincent Van Quickenborne, ministre: Madame la présidente, chère collègue, « le démantèlement du réseau Sky ECC: un point de rupture dans le combat contre la criminalité organisée en Belgique ». Ce n’est pas moi qui le dis, c’était le titre d’une conférence de presse organisée le 26 octobre, l’année dernière, par les plus hautes autorités de la police et de la justice.

Grâce au dossier Sky ECC, des centaines de suspects sont en détention provisoire dans nos prisons et des dizaines d’enquêtes sont aussi en cours à Mons. Dès le début, nous avons soutenu nos services de sécurité dans la lutte contre le crime organisé puisque, depuis l’entrée en fonction du gouvernement, près de 200 collaborateurs sont venus renforcer la police judiciaire fédérale (PJF). Les effectifs sont passés de 4 197 à 4 387 personnes au sein de la PJF.

Ensuite, cette année, la PJF va recevoir 300 nouveaux véhicules. Il était grand temps ! Par ailleurs, nous investissons 30 millions d’euros dans NTSU – le service de la police fédérale chargé des métadonnées et des interceptions. Mais nous sommes conscients que nous devons faire plus. Plus de 700 enquêteurs travaillent actuellement à temps plein sur les enquêtes Sky ECC.

Et nous allons faire plus, par exemple, en octroyant 70 millions d’euros supplémentaires à la police fédérale cette année-ci. Avec ces moyens additionnels, nous voulons, je veux, entre autres recruter 195 enquêteurs spécialisés supplémentaires pour la PJF.

De cette manière, chère collègue, grâce aux efforts considérables d’un grand nombre – la PJF et le Collège des procureurs généraux en tête -, nous sommes en mesure de tenir tête au crime organisé dans notre pays. Je vous remercie.

Vanessa Matz (cdH): Monsieur le ministre, je suis tout à fait effarée par votre réponse! Est-ce à dire que ce qu’un des plus hauts magistrats de ce pays avance est faux ? Il manque de moyens. Il manque 35 millions d’euros !

Quand vous dites que le budget de la PJF a été augmenté, vous oubliez de dire que, dans le même temps, vous faites 104 millions d’euros de réduction linéaire budgétaire pluriannuelle sur la PJF. Il ne faut dès lors pas dire qu’on augmente le budget quand, dans le même temps, on le réduit et on applique des réductions linéaires.

Les services de la PJF demandent 750 hommes complémentaires : 300 hommes pour combler les départs naturels à la pension et 450 hommes complémentaires pour pouvoir assurer leurs missions. Je ne peux donc pas entendre votre réponse, monsieur le ministre.

C’est vraiment très désagréable de remettre en cause de cette manière ce qu’un haut magistrat de notre pays demande. Je pensais que vous étiez plus attentif à ces dossiers et que vous vouliez vraiment réclamer les moyens qui s’imposent (…)

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