La problématique de la surpopulation et de la surveillance dans les établissements pénitentiaires suite aux incidents récents entre autres dans la prison d’Anvers
La problématique de la surpopulation et de la surveillance dans les établissements pénitentiaires suite aux incidents récents entre autres dans la prison d’Anvers

La problématique de la surpopulation et de la surveillance dans les établissements pénitentiaires suite aux incidents récents entre autres dans la prison d’Anvers

Vanessa Matz (Les Engagés): Merci pour vos différents exposés. Je ne vous cache pas que, même si nous n’ignorons pas une très grosse partie de ce que vous avez évoqué ce matin, nous en sommes encore beaucoup plus humainement troublés.

Vraiment, la question de la dignité humaine n’est plus du tout – non seulement pour le personnel, mais aussi pour les détenus – au cœur de ce dossier. Mais cela fait déjà un petit temps – et vous l’avez dit – et cela fait même plusieurs années que c’est répété.

Nous aurons évidemment le débat politique plus tard. Mais ce qui, je trouve, frise l’indécence, c’est cette manière de s’abriter:  »Voilà, moi, j’ai fait tout ce que je devais par rapport au ministre de la Justice, et au fond, regardez, c’est les agents, c’est de leur faute, ce qui arrive, c’est parce qu’ils font grève, etc. »

Je trouve que cela frise l’indécence, dans un dossier ultra complexe, pour lequel le gouvernement actuel n’a fait que rajouter des couches. J’en prends pour exemple l’impact des petites peines. Nous l’avons, avec d’autres, dénoncé à plusieurs reprises, et pas pour faire de la politique, mais parce que nous pensons tirer la sonnette d’alarme, comme les directeurs d’établissements pénitentiaires, les syndicats, les conseils de surveillance, en disant: « Est-ce qu’on va rajouter encore cela en plus? » C’est vraiment la goutte qui aura fait déborder le vase.

J’aurais souhaité savoir si vous aviez, au-delà de la prison d’Anvers, des chiffres sur l’impact de ces petites peines. De combien de dossiers complémentaires cela surcharge-t-il les prisons? J’aimerais aussi avoir votre appréciation globale et générale sur les projets de maisons de détention. On sait, logiquement, en tout cas tel que le dossier nous a été vendu – je vais dire cela – qu’il est censé prévoir un accompagnement plus personnalisé pour avoir, vraiment, un parcours d’intégration, de réintégration, au terme de la détention.

Seulement deux projets ont abouti. Chaque fois, le ministre dit: c’est la faute des bourgmestres qui crient « Ben non, pas cela chez moi. » Tout le monde est d’accord sur le principe, mais au moment où il faut les recevoir… C’est un phénomène que nous connaissons bien. Je suis en partie d’accord avec cela, mais il semblerait que les budgets de la Régie des Bâtiments soient de toute façon à sec. Même si un bourgmestre proposait un bâtiment devant être rénové, cela ne pourrait pas se faire. L’escroquerie de la posture qui prétend avoir fait tout le nécessaire est la même que lorsque le personnel, les syndicats sont ciblés et accusés parce qu’ils font grève.

J’ai été très attentive aux chiffres de présence dans un régime normal, qui ne sont de toute façon pas ceux qui sont atteints dans le cadre du service minimum. On pourrait passer par la force et dire qu’on va réquisitionner le personnel, agiter des slogans. C’est un peu ce qui est fait depuis le début de la législature: s’abriter derrière des slogans, comme quand il a été dit qu’on allait faire exécuter toutes les peines. Ainsi, face à la population, on a bonne conscience. Pour la réquisition, c’est le même discours, qui est complètement incohérent au vu des chiffres que vous nous donnez concernant les régimes normaux. Il faudrait plutôt signaler quand, en régime normal, on atteint enfin le chiffre prévu pour le service minimum! Il a aussi beaucoup été répété qu’on n’avait jamais autant engagé de personnel dans les prisons.

Chaque fois que nous posons des questions sur ce sujet, les réponses donnent les chiffres du recrutement. Mais, comme dans le cas de la police, ces chiffres ne sont pas très clairs car il n’y a jamais de décompte des départs à la pension et des gens qui prennent une autre orientation. Vous avez d’ailleurs souligné le turnover important au sein des établissements pénitentiaires. Nous ne connaissons donc pas le chiffre positif du recrutement dont les prisons auraient besoin, de la même manière qu’il faudrait 1 600 policiers pour couvrir les besoins créés par les départs volontaires et les départs à la pension. Quels sont selon vous les chiffres qui, par an, devraient être de l’engagement pour pouvoir assurer les missions? Je parle ici des agents. La question des soins et de l’accompagnement est autre chose, et nous savons qu’il s’agit là d’un parent très pauvre de la prison.

Vous avez rappelé la question des internés, du moins ceux qui devraient séjourner dans des établissements de défense sociale, mais qui sont en prison, où ils ne reçoivent pas les soins dont ils ont besoin. Vous avez évoqué un millier de personnes, en précisant que quelque 1 500 personnes souffraient de troubles mentaux.

Il s’agit là d’une question essentielle qui est au cœur de notre société, à savoir la question de la santé mentale. Nous savons que la période qui a suivi la crise sanitaire a secoué pas mal de situations.

J’aimerais avoir votre avis sur le centre de défense sociale de Paifve, qui est à la pointe pour ce qui est de l’expertise qu’il possède et du personnel dont il dispose. Pour l’avoir visité et pour connaître certains membres du personnel, je pense qu’il s’agit d’un centre qui répond effectivement à cette problématique d’approche pluridisciplinaire des soins. Une aile de cet établissement nécessite des travaux de réhabilitation afin d’accueillir 44 ou 46 personnes supplémentaires, ce qui n’est pas rien.

De manière plus large, l’avenir du centre de Paifve est menacé par la construction d’autres établissements qui, initialement, devaient répondre à la question de la santé mentale. Or il ressort de témoignages que ces établissements n’accueillent pas les cas lourds, qui sont soit envoyés en prison soit envoyés vers le centre de Paifve, qui n’est pas en mesure de les accueillir! Il y a donc quelque chose qui ne fonctionne pas dans le système, et il s’agit là d’un aspect auquel nous sommes extrêmement attentifs.

Enfin, j’aurais voulu vous interroger sur la solution évoquée par le ministre qui consiste à prévoir des congés un mois sur deux afin de régler le problème. J’aurais vraiment voulu avoir votre avis à ce sujet.

La dernière chose que je voulais évoquer avec vous est que nous avions été alertés. Nous avions relayé la question au ministre, mais je vous avoue que la réponse a été « c’est comme cela et pas autrement » quant à la diminution des budgets dédicacés à la nourriture des détenus et aux soins.

Lorsque l’on sait la bombe à retardement que c’est – je ne sais même plus si elle est encore à retardement. Le tragique évènement qui a eu lieu à Anvers nous montre que cela n’est plus à retardement. Le personnel et les détenus sont assis sur une poudrière avec cette diminution des budgets dédicacés à la nourriture alors que les budgets ont augmenté partout pour les consommateurs.

Pourquoi diminue-t-on les budgets en prison? C’est que l’on doit jouer soit sur les quantités, la qualité… C’est inacceptable! On sait que c’est un motif pouvant exacerber des situations de tension déjà tellement présentes à cause de la surpopulation.

Vous le savez mieux que personne, les arrêtés de bourgmestres se multiplient pour que les entrées s’arrêtent. Je pense à la prison de Lantin que je connais bien. Comment va-t-on faire? Ce n’est évidemment pas à vous que je dois poser la question! Nous sommes avec vous terriblement inquiets des conditions.

Nous avons encouru de multiples condamnations internationales à cause de nos conditions de détention mais aussi de la sécurité du personnel, de son bien-être au travail. Il y a cette impression relayée par de nombreux agents d’un puits sans fonds.

Si, parfois, on parvient à dénouer une relation ou une situation compliquée, ce n’est que de l’eau que l’on verse dans un « puits sans fin » parce que les moyens nécessaires pour encadrer les détenus sont inexistants, moyens qui devraient faire en sorte qu’il n’y ait pas 70 % de taux de récidive dans les cinq ans à la sortie de prison.

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