Vanessa Matz (Les Engagés): Monsieur le ministre, votre cabinet et vous-même avez été interpellés, une nouvelle fois, par l’association des directeurs des prisons francophones. Ils sont très inquiets, comme il vous l’ont déjà fait savoir, de la future application de la loi sur l’exécution des courtes peines, dont la deuxième phase débutera en septembre prochain – la première ayant commencé en septembre 2022. Ils tirent à nouveau la sonnette d’alarme en indiquant comme nous l’avons relayé à de multiples reprises – que vous mettez la charrue avant les bœufs. En effet, pour le moment, vous ne disposez pas de suffisamment de places pour accueillir tous les détenus.
Je lis quelques chiffres. Avant septembre 2022, on comptait 10 919 détenus pour 9 679 places. En décembre 2022, après le vote de la loi, nous étions à 11 199 détenus pour une capacité de 9 739 places. Derrière ces chiffres, des situations dramatiques sont vécues en prison. J’ai eu l’occasion de me rendre à Lantin, à Mons et à Nivelles, dans des conditions catastrophiques.
Dans les prisons flamandes, plus de 200 détenus dorment à même le sol. D’autres partagent à trois une cellule de 9 mètres carrés. L’insalubrité y est gravissime!
Aussi, monsieur le ministre, j’aimerais savoir comment vous allez répondre aux interrogations et à l’inquiétude légitime des directeurs des prisons francophones.
Vincent Van Quickenborne, ministre: Chère collègue, j’ai bien évidemment lu avec attention la lettre qui m’a été envoyée. Je comprends tout à fait l’inquiétude exprimée. Vous savez que ce gouvernement met tout en œuvre pour que les conditions dans les prisons s’améliorent et que des maisons de détention soient créées. Il faut savoir que le cadre du personnel pénitentiaire en place au sein des prisons n’a jamais été aussi rempli. On est à 98,4 % pour la totalité de notre pays, en faisant abstraction de Termonde et de Haren. Avec l’ouverture des nouvelles prisons de Haren et de Termonde, on a créé une capacité supplémentaire de 750 places.
Nous multiplions les démarches pour ouvrir encore des maisons de détention. Vous savez que la maison de détention de Berkendael sera ouverte d’ici l’été.
Madame Matz, il faut savoir que l’augmentation de la surpopulation de ces derniers mois n’est pas la conséquence de l’exécution des courtes peines.
Elle est surtout liée au succès de l’affaire SKY ECC. Les projections réalisées par mon administration tablaient sur un impact de 720 détenus pour les maisons de détention. À ce jour, ces estimations semblent correspondre à la réalité. C’est vrai que le moment pour exécuter ces courtes peines est difficile et il le sera toujours. Mais si on n’agit pas, ce moment n’arrivera jamais.
On en a discuté depuis des décennies. Ce gouvernement agit et il exécute.
Ce qu’il faut, c’est surtout lutter contre la récidive et le sentiment d’impunité qui actuellement entraîne les délinquants dans un cercle vicieux d’accumulation de condamnations. Exécuter les courtes peines lance au contraire un cercle vertueux qui aura à terme un impact positif sur la surpopulation et finalement sur la sécurité de notre société. Ce sont ces objectifs que ce gouvernement et moi-même poursuivons.
Vanessa Matz (Les Engagés): Monsieur le ministre, j’ai déjà eu l’occasion de vous dire à plusieurs reprises que nous sommes évidemment en faveur de l’exécution des courtes peines.
Cependant, comme je vous l’ai dit, vous mettez la charrue avant les bœufs. Évidemment qu’il faut exécuter ces courtes peines mais il faut se donner les moyens de pouvoir les exécuter. Et ce n’est pas en disant qu’on va reporter, c’est simplement en prévoyant les conditions matérielles pour assurer aussi le respect de la dignité humaine dans les prisons.
Comme je vous le dis depuis le début, vous vous êtes enfermé dans un slogan: « On va exécuter toutes les courtes peines. » C’est un slogan! C’est une coquille vide, puisque concrètement vous impactez de manière très forte les prisons, leurs conditions de salubrité et les conditions humaines dans lesquelles les détenus évoluent.
Tout comme les directeurs le souhaitent, je demande que vous puissiez postposer l’application de cette deuxième phase et de prévoir d’abord les conditions nécessaires à la détention des personnes.