Taxer les GAFA pour alléger l’impôt sur le travail et sur les PME : l’espoir est permis.
Taxer les GAFA pour alléger l’impôt sur le travail et sur les PME : l’espoir est permis.

Taxer les GAFA pour alléger l’impôt sur le travail et sur les PME : l’espoir est permis.

L’égalité devant l’impôt est un principe démocratique fondamental. Pourtant, la mondialisation, avec la libre circulation intégrale des capitaux, rend son application effective de plus en plus difficile. Les multinationales notamment jouent des différences de taux de taxation  en logeant leurs profits taxables dans des pays à faible taxation dans lesquels ils exercent une activité purement virtuelle. Le cas échéant, les profits transitent par des paradis fiscaux, histoire de brouiller les pistes et d’échapper à tout contrôle. Il en résulte par exemple au Luxembourg, selon la Commissaire européenne Vestager, qu’Amazon paie 9% d’impôts sur ses profits alors qu’une PME luxembourgeoise sera taxée à 23 %. En d’autres mots alors que la pression taxatoire est maximum sur les entreprises locales, les multinationales, en particulier les GAFA, dont les profits sont très largement plus élevés, souvent en raison de leur position de monopoles ou d’oligopoles, échappent à l’impôt.

La raison d’être de cet état de choses tient au caractère désordonné de la mondialisation : on a commencé par établir la liberté de mouvement des capitaux dans les années 80 ; on a ensuite facilité le libre échange des produits et la liberté d’investissement des entreprises à l’étranger à travers l’OMC et les accords bilatéraux de type CETA. Mais on en est resté là, au motif, invraisemblable, de préserver la souveraineté fiscale des Etats. Or celle-ci est devenue purement théorique. Par ailleurs, au sein de l’UE qui a facilité la liberté de mouvements des capitaux avec le marché unique et  l’euro, on a laissé pendante la question cruciale de l’harmonisation des fiscalités nationales, rendue impossible par le veto maintenu par les Traités pour la fiscalité. On a ainsi laissé ouverte une brèche énorme dans l’imposition des multinationales qui jouissent du coup d’une forme d’immunité fiscale de fait  qui est moralement et politiquement insupportable.

Car le citoyen n’est pas dupe. Il n’ignore rien de l’impuissance du politique, à l’échelon national, face aux marchés globalisés. Il réalise par exemple qu’il n’est  pas possible de procéder à un véritable shift fiscal, c’est-à-dire à un abaissement des charges sur le travail pour faciliter l’emploi, sans accroître la fiscalité des multinationales. L’inertie du politique le révolte : il y voit impuissance, incompétence ou complaisance, voire les trois à la fois. Il s’ensuit un discrédit des élus qui nourrit, ici à juste titre, les dérives populistes. Il faut donc trouver d’urgence une solution à cette déficience de la fiscalité en Europe qui prive les Etats de centaines de millions, voire de milliards d’euros selon les estimations.

La voie de l’imposition nationale des GAFA, qui est le cas emblématique par son importance et sa difficulté, reste une possibilité. Certains pays s’y sont risqué, notamment la France, l’Autriche et l’Italie. La Belgique aurait pu être de ce  groupe pionnier si ma proposition de loi relative à la taxation des GAFA avait été soutenue en commission en mars dernier. Las, le Président Trump, fidèle à sa posture unilatéraliste et agressive, a menacé la France de représailles commerciales sur les vins et les fromages. A Davos cette semaine, Bruno Le Maire a cédé aux pressions de son homologue américain Mnuchin. La taxe GAFA est renvoyée à l’OCDE.

Nul ne conteste l’expertise de l’OCDE. Un accord de taxation unitaire par lequel  la taxe est établie sur le total des bénéfices mondiaux de la firme globale et son produit est réparti entre les pays sur la base de l’activité réelle, serait une solution optimale sous l’angle de la justice entre pays. En revanche, l’OCDE compte 36 membres et les USA y exercent une influence prépondérante. Or Trump entend d’une part protéger ses entreprises d’une taxation globale trop élevée et d’autre part garder pour le Trésor américain  un rendement préférentiel. De plus, les lobbies y exercent une influence qui n’est pas contrebalancée par l’intervention d’un Parlement.

Reste l’échelon de l’UE. Impossible tant que prévaut le vote à l’unanimité sur la fiscalité. Il faut donc changer le Traité pour supprimer le veto. C’est jouable à condition de neutraliser la coalition des passagers clandestins en matière d’impôt sur les sociétés que forment le Luxembourg, l’Irlande, Malte, les Pays-Bas… et même, quoi qu’à un degré moindre, la Belgique elle-même.

La question qui se posera alors, et qui jusqu’ici n’est quasiment jamais soulevée, est celle de l’alternative entre harmonisation des taxations nationales (assiettes et taux) et imposition directe européenne votée par le Parlement de Strasbourg. L’histoire de l’harmonisation, longue de près de 20 ans, ne présage rien de bon : trop d’exemptions, de clauses d’évitement, de querelles sur les taux. En revanche, fonder un impôt européen avec en contrepartie le renvoi au budget européen de dépenses qui n’ont plus leur place dans les budgets nationaux, dont les budgets militaires, constituerait une voie royale pour rétablir la justice fiscale en Europe.

Une chose est certaine. Il faut que le prochain gouvernement fédéral, après une législature perdue, s’engage clairement sur ce  dossier vital pour rétablir la confiance des citoyens dans la pertinence et la légitimité de la démocratie représentative.

Vanessa MATZ
Députée Fédérale cdH
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