Rapport accablant d’Amnesty International sur les violences sexuelles
Rapport accablant d’Amnesty International sur les violences sexuelles

Rapport accablant d’Amnesty International sur les violences sexuelles

Séance plénière du 5 mars 2020 – Question d’actualité

Vanessa Matz (cdH): Madame la ministre, comme moi, vous aurez probablement été interpellée par le rapport d’Amnesty International et SOS Viol qui présente des chiffres particulièrement accablants. Une personne sur deux en Belgique a été victime de violences sexuelles. Un jeune sur quatre a été victime de viol. Une victime de violences sexuelles sur deux y a été exposée, pour la première fois, avant l’âge de dix-neuf ans. Une femme sur cinq a été victime de viol. Seules quatorze femmes ayant porté plainte pour violences sexuelles se déclarent satisfaites de cette démarche. Ces chiffres ont été collationnés par des ONG, et non par des organismes officiels, sur des fonds qui leur sont alloués.

Vous avez probablement pris connaissances des recommandations. Ces ONG demandent des moyens suffisants pour la formation des policiers, des magistrats, pour améliorer l’aptitude de ces derniers à déceler les violences et à les appréhender avec sérieux, pour accueillir et soutenir les victimes de manière optimale; elles demandent que soit appliquée la tolérance zéro pour les violences faites aux femmes. On sait qu’actuellement, 70 % sont classées sans suite. Elles demandent que soit organisée une meilleure collecte des données statistiques. Comme je l’ai dit, ce sont elles qui ont collecté ces données. Elles demandent également que soit pérennisés et multipliés les centres multidisciplinaires qui prennent en charge les victimes de manière pluridisciplinaire. Elles demandent enfin que soit assurée la prévention, mais cela relève d’un autre niveau de pouvoir.

Madame la ministre, comment réagissez-vous à ce sondage particulièrement interpellant? Qu’avez-vous fait de la résolution que nous avons votée, le 12 janvier 2017, sur le viol? Quelles sont les mesures très concrètes qui sont en cours d’élaboration? Comment collaborez-vous avec les entités fédérées sur le sujet?


Nathalie Muylle, ministre: Madame Matz, les violences sexuelles sont encore aujourd’hui un problème social majeur, comme le révèlent les chiffres.

En tant que ministre en charge de l’Égalité des chances, j’ai récemment pris des mesures importantes en matière de lutte contre les violences sexuelles. Je travaille actuellement à la création de sept nouveaux centres de prise en charge de ce genre de violences. À l’avenir, il y aura donc un centre dans chaque arrondissement judiciaire afin que chaque victime puisse recevoir des soins appropriés près de chez elle.

Plus de victimes trouvent le chemin qui mène aux centres. En 2017, on comptait deux victimes par jour. Aujourd’hui, il est question de trois victimes par jour.
Les centres font du très bon travail grâce à leur approche multidisciplinaire. Les victimes font l’objet d’examens médicaux et bénéficient de l’assistance de la police et du parquet.

En prévoyant une aide de proximité, nous pouvons soutenir plus de victimes et arrêter plus d’auteurs. Un bon encadrement nous permet de stimuler la propension des victimes à porter plainte. En effet, 67 % des victimes qui se retrouvent dans les centres portent plainte.

Amnesty International mentionne également le degré élevé de classements sans suite. Bien entendu, dans un État de droit, une procédure requiert des preuves valables. Nous devons donc nous concentrer sur la collecte adéquate de celles-ci. C’est ce que nous faisons également dans les centres de prise en charge, avec les feuilles de route médico-légales. De la sorte, non seulement le dépôt des plaintes est plus rapide, mais nous fournissons aussi des dossiers plus solides.

J’ai investi récemment dans la formation de 180 nouveaux inspecteurs de moeurs. Des mesures sont également prises en vue d’améliorer et d’affiner l’enregistrement d’actes de violence commis contre des femmes, afin que nous puissions déposer de meilleures statistiques.

Madame Matz, il est clair que la lutte contre les violences sexuelles exige des efforts dans tous les domaines politiques possibles. Mon administration est ainsi en train de préparer un nouveau plan d’action contre la violence liée au genre. La lutte contre les violences sexuelles en constitue une priorité.

Pour conclure, madame la présidente, le 18 décembre, la conférence interministérielle « Droits des femmes » a également été mise en place, de manière à renforcer la coopération entre les niveaux de pouvoir et à consolider la lutte contre les violences sexuelles.

Vanessa Matz (cdH): Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse.
Tout d’abord, je tiens à souligner la création de ces centres, qui comportent un volet médical et un volet judiciaire. Actuellement, il n’en existe que trois. Vous voulez les augmenter, et c’est extrêmement important, car c’est grâce à ces centres que le traitement des victimes de viol est effectué.

Toutefois, quand vous affirmez que les classements sans suite sont simplement dus à un problème de collecte des preuves, nous savons que ce n’est pas le cas. Il est notoire que la justice souffre toujours d’un manque de moyens. C’est pourquoi le prochain gouvernement devrait se pencher sur un budget dédié spécifiquement à la lutte contre les violences infligées aux femmes, en consacrant un volet important aux violences sexuelles.

Je me réjouis de votre volontarisme. J’ai toujours dit à votre collègue Geens que les plans constituaient, bien entendu, un moyen intéressant, mais à condition qu’ils soient budgétisés et exécutés. Je pense, par exemple, à la formation des acteurs de première ligne. De même, en coopération avec les entités fédérées, il faut se concentrer sur la prévention auprès des jeunes. Il suffit d’observer les statistiques relatives aux stéréotypes en circulation.

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