Proposition de loi modifiant la loi du 19 juillet 2018 relative à l’accessibilité des sites internet et des applications mobiles des organismes du secteur public, afin de prévoir une alternative non numérique.
Proposition de loi modifiant la loi du 19 juillet 2018 relative à l’accessibilité des sites internet et des applications mobiles des organismes du secteur public, afin de prévoir une alternative non numérique.

Proposition de loi modifiant la loi du 19 juillet 2018 relative à l’accessibilité des sites internet et des applications mobiles des organismes du secteur public, afin de prévoir une alternative non numérique.

Pour des raisons d’efficacité, il est normal que les administrations et organismes du secteur public favorisent la voie numérique pour les interactions avec leurs usagers. C’est d’ailleurs un progrès appréciable pour une majorité d’entre eux. Pour autant, les canaux classiques (formulaires papier, numéros verts, guichets d’information, permanences…) ne doivent pas disparaître.

Le Plan d’action européen 2016-2020 pour l’administration en ligne soulignait la nécessité de maintenir des canaux alternatifs dans le prolongement de la numérisation des administrations et indiquait, en outre, que les services devraient être inclusifs par défaut et répondre à divers types de besoins, tels que ceux des personnes âgées et des handicapés: “… les administrations publiques devraient de préférence, fournir des services par voie électronique (notamment des informations lisibles en machine), tout en conservant d’autres canaux de communication au bénéfice de ceux qui, par choix ou par force, sont hors connexion […] les administrations publiques devraient concevoir des services publics numériques qui sont inclusifs par défaut et qui répondent à divers types de besoins, tels que ceux des personnes âgées et des handicapés”1.

Plusieurs raisons justifient le maintien de canaux alternatifs non numériques:

  • le sous-équipement: de nombreux aînés, mais aussi des personnes en situation précaire, ne possèdent pas encore de smartphone et le plus souvent pas d’imprimante, de scanner, de lecteur de carte d’identité…; d’ailleurs, pour nombre d’utilisations, le smartphone n’est pas la solution la plus efficace ou la plus confortable, particulièrement pour les applications administratives;
  • les problèmes de connexion dans certaines zones rurales, particulièrement dans le Sud-Est de la Wallonie; selon la ministre compétente pour les Télécommunications, 138.000 ménages ne disposent pas encore d’une connexion suffisante;
  • la faiblesse des connaissances: selon le Baromètre 2022 de la Fondation Roi Baudouin, 39 % des Belges disposent de faibles compétences numériques (p. 24); ce pourcentage s’élève à plus de 76 % pour les personnes âgées de plus de 75 ans (p. 55);
  • les personnes âgées, handicapées, analphabètes ou illettrées ont souvent besoin d’un interlocuteur humain pour obtenir des informations ou effectuer des démarches.

Malgré les efforts entrepris par les pouvoirs publics et les associations, les études montrent que le nombre des personnes en difficulté continue de croître en raison, d’une part, de la généralisation des processus informa tisés et, d’autre part, de la raréfaction des guichets et des possibilités de contacts humains directs.

Les investissements dans le canal numérique devraient, au contraire, permettre de recentrer les canaux humains sur des missions à forte valeur ajoutée comme l’accompagnement des usagers moins à l’aise avec les procédures en ligne et l’assistance lors de situations complexes.

Des efforts sont incontestablement entrepris pour améliorer l’accessibilité des personnes handicapées ou âgées en application de la directive (UE) 2016/2102 du Parlement Européen et du Conseil du 26 octobre 2016 relative à l’accessibilité des sites internet et des applications mobiles des organismes du secteur public. Mais ces efforts ne s’appliquent jusqu’à présent qu’à un nombre très limité de processus.

Toutes les initiatives d’inclusion numérique consenties par les autorités locales et les associations doivent être soutenues, mais, malheureusement, ces initiatives ne touchent que trop peu de personnes en difficulté, en raison des trop faibles moyens mis à leur disposition.

Un aspect particulièrement important est le risque de discrimination entre citoyens. Dans un avis du 3 février 2023 relatif à l’impact de la digitalisation des services (publics ou privés), Unia et le Service de lutte contre la pauvreté, mettent en évidence le risque de traitement différencié des citoyens pouvant s’apparenter à l’une ou l’autre forme de discrimination directe ou indirecte, ainsi que la question non moins importante du non recours à leurs droits par des personnes précarisées.

En conséquence, Unia et le Service de lutte contre la pauvreté, demandent “… de garantir légalement, sans surcoût, les différentes modalités d’accès aux services publics et privés et, de manière plus large, à l’ensemble des services d’intérêt général pour qu’aucune démarche ne soit exclusivement numérique”.

S’inspirant de cet avis, la présente proposition de loi prévoit que la loi impose désormais le maintien de canaux alternatifs non numériques effectifs et contrôlés.

Cadre juridique de la présente proposition de loi La présente proposition se situe dans le cadre de la directive (UE) 2016/2102 du Parlement Européen et du Conseil du 26 octobre 2016 relative à l’accessibilité des sites internet et des applications mobiles des organismes du secteur public4. Cette directive européenne vise à assurer l’accessibilité de tous aux applications administratives, et particulièrement des personnes handicapées et âgées.

L’article 2 de cette directive ouvre la possibilité aux États d’aller au-delà des exigences minimales:

“Article 2: Harmonisation minimale Les États membres peuvent maintenir ou introduire des mesures conformes au droit de l’Union qui vont au delà des exigences minimales établies par la présente directive en matière d’accessibilité des sites internet et des applications mobiles.”

La directive a été transposée en droit belge par la loi du 19 juillet 2018 relative à l’accessibilité des sites internet et des applications mobiles des organismes du secteur public.

L’article 3 de cette loi en définit le champ d’application (points 1 et 2) ainsi que les principes et techniques à respecter pour assurer l’accessibilité (point 9):

“1. “organisme du secteur public”: tout service public fédéral, tout service public fédéral de programmation, la police fédérale, le Ministère de la Défense, les entre prises publiques autonomes visées à l’article 1er, § 4, de la loi du 21 mars 1991 portant réforme de certaines entreprises publiques économiques et toute instance ou tout service, doté ou non de la personnalité juridique, qui dépend de l’administration fédérale;2.“application mobile”: un logiciel d’application conçu et développé par des organismes du secteur public ou pour leur compte, en vue d’être utilisé par le grand public sur des appareils mobiles, tels que des smartphones et des tablettes. […]

“accessibilité”: les principes et les techniques devant être respectés lors de la conception, de la construction, du maintien et de la mise à jour de sites internet et d’applications mobiles afin de les rendre plus accessibles aux utilisateurs, en particulier les personnes handicapées.”

Il convient de relever que le point 9 vise à rendre les sites et applications plus accessibles non seulement aux handicapés, mais à tous les utilisateurs.

L’article 5, § 1er, définit les mesures nécessaires pour améliorer l’accessibilité des sites internet et des applications mobiles des organismes du secteur public:

“§ 1er. Les organismes du secteur public prennent les mesures nécessaires pour améliorer l’accessibilité de leurs sites internet et de leurs applications mobiles conformément aux dispositions de la présente loi en les rendant perceptibles, utilisables, compréhensibles et robustes.”

La présente proposition de loi prévoit de compléter ce paragraphe 1er par une obligation de non-discrimination dans l’accès aux sites internet et aux applications mobiles. L’article 7 impose une déclaration sur l’accessibilité à fournir par l’organisme. Il est intéressant de noter que cet article 7 ouvre une possibilité de recours aux personnes concernées:

“§ 1er. Les organismes du secteur public fournissent et mettent régulièrement à jour une déclaration sur l’accessibilité détaillée, complète et claire sur la conformité de leurs sites internet et de leurs applications mobiles avec la présente loi. Ils prévoient également pour chaque site internet et application mobile un mécanisme de retour d’information pour permettre à toute personne de notifier à l’organisme du secteur public concerné toute absence de conformité de son site internet ou de son application mobile avec les exigences en matière d’accessibilité énoncées à l’article 5 et de solliciter les informations exclues. Les organismes du secteur public apportent une réponse adéquate à cette notification ou à cette demande dans un délai raisonnable, et communiquent le délai maximum via ce mécanisme de retour d’information.”

L’article 8 organise le contrôle:

“§ 1er. Le Roi désigne l’organisme qui contrôle périodiquement la conformité des sites internet et des appli cations mobiles des organismes du secteur public avec les exigences en matière d’accessibilité énoncées à l’article 5 sur la base de la méthode de contrôle fixée à l’article 8, alinéa 2 de la directive (UE) 2016/2102.”

L’arrêté royal du 5 septembre 2019 portant désignation de l’organisme qui contrôle l’accessibilité des sites internet et des applications mobiles des organismes du secteur public, et la méthode de contrôle a désigné le service public fédéral compétent pour la Transformation digitale comme organisme de contrôle.

Lire la proposition de loi