La détention en centre fermé d’une accueillante extrascolaire de Chastre
La détention en centre fermé d’une accueillante extrascolaire de Chastre

La détention en centre fermé d’une accueillante extrascolaire de Chastre

Vanessa Matz (Les Engagés): Madame la secrétaire d’État, ma question porte sur le même dossier. Je n’aime pas parler de dossier parce qu’il s’agit d’une personne. Je remercie mon collègue Moutquin de m’avoir attendue. Nous avons tous deux été interpellés. Il a évoqué le sujet car il connaît la situation de manière plus proche. Moi, j’ai été interpellée par le comité de soutien. On est souvent interpellé pour des situations individuelles mais celle-là est un peu plus particulière parce que, comme il vous l’a dit, la situation est un peu surréaliste et même plus.

En effet, on a là un dossier dans lequel il y a beaucoup d’incompréhension pour toute une région qui ne comprend pas pourquoi renvoyer cette personne que je ne connais pas personnellement mais qui a l’air de faire beaucoup de bien autour d’elle pour des enfants, pour des familles, qui remplit une fonction sociale, celle d’un lien social dans une école, celle qui s’occupe d’enfants, qui leur apporte beaucoup, qui n’a pas de passé. On se dit souvent: ʺAttention, il y a parfois des questions d’ordre public!ʺ Ce n’est pas le cas. Cette personne a recueilli beaucoup de soutien au travers de manifestations et de pétitions. Pourquoi le pouvoir discrétionnaire – j’ai horreur de ce mot -, « le fait du prince », comme j‘aime souvent le dire, a-t-il frappé de manière injuste ici? Cette dame ne peut pas recevoir d’autorisation de séjour.

Il est vrai qu’on n’a pas l’habitude dans cette commission de se saisir de cas individuels mais il est tellement illustratif de cet affreux pouvoir discrétionnaire qui frappe de manière aveugle, dans l’incompréhension la plus totale et qui illustre parfaitement l’absurdité de cette politique d’asile.

Ce n’est pas du tout vous que je mets en cause. Je sais et j’espère que vous continuez à travailler à une refonte de ce Code de la migration. J’ose espérer qu’un jour, on aura des critères objectifs et une transparence plus grande sur ces autorisations de séjour. Même les esprits les plus durs sur ces autorisations, lorsque cela concerne justement une accueillante scolaire, son voisin, celui avec qui on partage quelque chose dans son village, se disent alors: ʺNon surtout pas! Il faut être accueillant.ʺ

On aimerait recevoir quelques éclaircissements car c’est l’incompréhension la plus totale dans ce village du Brabant wallon au sujet de son accueillante qui est enfermée depuis 30 jours pour des raisons qui restent incompréhensibles.

Nicole de Moor, secrétaire d’État: Chers collègues, les circonstances exceptionnelles pouvant motiver une régularisation sur la base de l’article 9 bis sont les raisons pour lesquelles l’intéressée est dans l’impossibilité d’introduire la demande selon la procédure habituelle, c’est-à-dire via le poste consulaire ou diplomatique compétent en fonction du lieu de sa résidence ou de son séjour à l’étranger.

Seules les circonstances exceptionnelles seront acceptées. Cette exception à la règle générale est interprétée strictement. Elles seront appréciées au cas par cas. L’intéressée doit démontrer qu’il lui est impossible ou particulièrement difficile de retourner dans son pays d’origine pour demander une autorisation de séjour ou dans un pays où elle est autorisée à séjourner en raison d’éléments pouvant se situer en Belgique ou ailleurs.

En résumé, soit l’intéressée est empêchée de faire les démarches pour l’obtention de son visa à partir du pays d’origine ou pour son séjour avant son arrivée en Belgique, soit elle est empêchée de quitter la Belgique pour entreprendre ces démarches conformément à l’article 9 de la loi, et ce, en raison d’une situation pour laquelle tout éloignement consisterait une infraction aux dispositions des articles 3 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Mme N’Sunda a demandé l’asile en Belgique en 2012. Le Commissariat général aux Réfugiés et Apatrides (CGRA) – organisme indépendant qui traite ces demandes – a estimé qu’elle n’avait pas besoin de protection de notre part. Ensuite elle a fait appel devant le Conseil du Contentieux des Etrangers (CCE) qui a confirmé la décision du CGRA. La procédure entière a durée deux ans, ce qui est un délai moyen.

En raison de cette décision, Mme N’Sunda aurait dû quitter le pays depuis un certain temps. Elle a cependant choisi de rester en séjour irrégulier en Belgique. En 2020 et ensuite en 2023, Mme N’Sunda a entamé des procédures de régularisation humanitaire, procédure encore une fois absolument exceptionnelle destinée aux personnes les plus vulnérables.

Dans cette procédure, l’ensemble de la situation de la personne est prise en compte. Or, il n’est pas question qu’une personne qui ne se conforme pas à un ordre de quitter le territoire et qui reste irrégulièrement sur notre sol pendant une période prolongée puisse simplement bénéficier d’une régularisation humanitaire même si des preuves de son intégration étaient fournies.

Je comprends que Mme N’Sunda bénéficie d’un grand soutien dans sa communauté. Je comprends tout à fait que les citoyens aient du mal à accepter une telle décision. Mais, en tant que secrétaire d’État, je dois mener une politique migratoire juste et basée sur des règles. Celles-ci déterminent que Mme N’Sunda n’a pas le droit de rester dans notre pays. Je comprends que cette décision soit très difficile.

Mais je ne m’écarte pas du principe que les décisions de service doivent être respectées, et que la régularisation humanitaire est une procédure exceptionnelle. Vraiment, mener une politique migratoire juste et contrôlée est une tâche très difficile, je peux vous l’avouer. C’est une tâche difficile mais nécessaire pour enfin arriver, sur le long terme, à une politique de migration avec des règles contrôlées et où nous pouvons protéger ceux qui ont besoin d’être protégés. Et, en parallèle de cette protection, où nous pouvons organiser des migrations légales selon des procédures contrôlées. C’est une tâche difficile mais nécessaire.

Vanessa Matz (Les Engagés): C’est le serpent qui se mord la queue. Si, pour accéder à une régularisation, il faut ne pas avoir reçu d’ordre de quitter le territoire, alors personne n’y accèdera.

En effet, cela semble être le seul fait qui soit reproché dans cette situation. Vous dites qu’il faut réserver la régularisation à des personnes vulnérables et à des circonstances exceptionnelles. Mais que vous faut-il? J’aimerais un jour que vous expliquiez quelles situations sont sous le couvert de votre politique de régularisation. Qu’imaginez-vous comme critères, qui ne sont pas des critères parce qu’il n’en faut pas, et que vous ne voulez pas dévoiler? Cependant, il y a tout de même des choses qui semblent présider à vos décisions.

C’est l’incompréhension la plus totale. Je ne dis pas que vous faites cela avec facilité et qu’au fond vous n’en avez rien à faire. Mais je suis aussi en profond désaccord avec vous sur cette situation, et sur d’autres évidemment. Je ne dis pas qu’il faut régulariser tous les demandeurs, certainement pas. Cela n’a jamais été notre discours. Mais, dans cette situation-ci, tous les astres sont alignés: intégration parfaite, depuis longtemps, avec contrat, utile à la société, mobilisation citoyenne prouvant que des personnes tiennent à Divine pour ses qualités humaines, utilité pour les enfants. Je suis dans l’incompréhension la plus totale. Nous ne parvenons toujours pas à comprendre quels sont les critères qui président à cette décision. Vous parlez de vulnérabilité. Vous pensez que cette personne n’est pas vulnérable? Je ne comprends toujours pas les critères.

Il ne semble pas que demain nous soyons plus informés sur cette transparence, avec un Code de la migration que j’espère voir avant la fin de la législature, mais rien n’est moins sûr. Je l’espérais déjà de votre prédécesseur. Nous l’appelions de nos vœux et nous le soutenions évidemment. Nous voulons plus de transparence mais de manière générale, parce que toutes ces législations sont très confuses. C’est vraiment extrêmement décevant.

Nous continuerons, avec d’autres, à nous battre pour que cela soit plus clair, parce que c’est aussi cela qui est source d’extrémisme. Cette opacité nourrit le sentiment de l’extrême droite. Si à un moment donné les choses sont claires, on sait à quoi s’en tenir et on ne joue pas sur les peurs et les craintes d’une partie de la population. On ne joue pas sur les sentiments de repli que certains éprouvent. Voilà ce pour quoi nous nous battrons au cours des mois à venir. Je vous remercie.

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