La condamnation de l’État belge à transférer un interné
La condamnation de l’État belge à transférer un interné

La condamnation de l’État belge à transférer un interné

Vanessa Matz (Les Engagés): Monsieur le ministre, il ressort de la presse que l’État belge vient d’être condamné à transférer un interné d’une annexe psychiatrique de la prison de Jamioulx vers un établissement de défense sociale. Cette condamnation est assortie d’une astreinte de 500 euros par jour avec un plafond à 25 000 euros.

La décision pourrait faire jurisprudence et entraîner un effet boule de neige, de nombreuses personnes étant dans la même situation.

Il apparaît que l’homme, âgé de 71 ans et détenu depuis plus de deux ans en prison faute de place, était en janvier dernier seulement quatorzième sur la liste d’attente pour son transfert.

Les délais semblent dès lors bien plus importants que ceux qui étaient évoqués récemment en commission. Si le masterplan se poursuit pour la création de nouvelles places, celles-ci n’arriveront que d’ici plusieurs années et risquent d’être immédiatement insuffisantes.

Par ailleurs, plusieurs prisons ont fait grève récemment, notamment la prison de Bruges où des agressions étaient dénoncées sur le personnel, liées à la surpopulation, cette situation étant mise en corollaire avec la présence de nombreux détenus souffrant de troubles mentaux et n’ayant pas leur place en prison. Il est évident que chaque place occupée en prison par un interné est une place de moins pour un détenu « ordinaire ».

  • Pouvez-vous nous indiquer le nombre d’internés actuellement détenus dans nos prisons?
  • Quelle est la durée de détention en prison des dix premières personnes sur la liste d’attente pour les Marronniers et Paifve?
  • Vous avez annoncé un groupe de travail multidisciplinaire sur le sujet avec votre collègue, le ministre de la Santé.
  • Qu’en est-il? Quel est le résultat?
  • En 2018, votre prédécesseur indiquait que le transfert d’internés vers le circuit psychiatrique régulier se poursuivait en collaboration avec le ministre de la Santé. Cette procédure est-elle toujours en cours?

Vincent Van Quickenborne, ministre: Madame Matz, en ce qui concerne votre première question, 764 internés sont actuellement enfermés dans nos prisons. Les détenus figurant sur la liste d’attente sont placés dans une section spécialisée de la prison. Pour Paifve, le premier interné est inscrit sur la liste d’attente depuis le 3 juin 2020 et le dixième, depuis le 28 septembre 2021. Pour les Marronniers, le premier interné est inscrit sur la liste d’attente depuis le 19 mars 2019 et le dixième, depuis le 8 octobre 2019.

La liste d’attente des Marronniers est souvent allongée en raison de condamnations avec placement forcé, des arrestations immédiates et des placements en raison de procédures en référé qui sont prioritaires.

Je voudrais également mentionner que le centre des Marronniers est également confronté à une surpopulation.

Pour répondre à votre deuxième question, la collaboration avec le ministre de la Santé pour fluidifier – quel beau mot! – la prise en charge des internés dans le secteur régulier se poursuit. Le 9 février dernier, la Santé publique a annoncé un nouvel appel à projets destiné à améliorer et renforcer l’offre de soins pour les internés.

L’objectif de ce nouvel appel est de favoriser la sortie des internés des établissements pénitentiaires et d’optimaliser l’organisation, l’offre et la fluidité des soins pour les personnes internées. Dans ce contexte, des réunions bilatérales entre l’État fédéral et les entités fédérées sont en cours.

Nous avons décidé de nous concentrer d’abord sur le nouveau Code pénal puis de voir si nous devons également adapter la loi sur l’internement.

Notre première priorité est d’étendre le circuit de soins médico-légaux. Nous sommes en train d’élaborer un plan pour ce faire avec la Santé publique. Cela profitera certainement aussi aux internés.

Enfin, je peux vous dire qu’entre-temps, nous investissons dans l’amélioration des soins dans les prisons. Comme vous le savez, l’année dernière, nous avons décidé de débloquer des ressources pour renforcer les équipes de soins de Merksplas et de Paifve avec un total de 50 membres du personnel dont 37 personnes sont déjà actives. Lors du Conseil des ministres du 1er avril, nous avons décidé une deuxième vague de recrutement de 116 personnes supplémentaires pour les équipes de soins, soit un investissement de 5 millions d’euros, madame Matz. Et ceci pour tous les autres internés dans toutes les autres prisons! Ainsi, tous les détenus se verront proposer des soins sur mesure pendant leur séjour en prison en attendant l’ouverture de trois nouveaux centres de psychiatrie légale, c’est-à-dire un à Alost et deux en Wallonie, à Paifve et à Wavre.

Au total, le nombre de personnes des équipes de soins qui se trouvent dans les prisons va augmenter de 137 personnes à 303 personnes. Je pense que c’est un effort non négligeable.

Vanessa Matz (Les Engagés): Monsieur le ministre, je vous remercie pour vos réponses très complètes.

Il existe évidemment des points noirs que je ne souhaite pas vous imputer directement. Certaines personnes figurent sur une liste d’attente depuis 2019 pour obtenir une place dans un centre. Les délais d’attente sont de deux ou trois ans, ce qui est très interpellant. Je ne vous les impute pas. Je constate simplement. Aujourd’hui, 764 personnes sont dans l’attente d’une place.

Par ailleurs, il y a la question de la création de places complémentaires à Paifve, à Wavre, mais aussi en Flandre. Je tiens à souligner l’aspect très positif du renforcement général du personnel de soins dans les prisons.

J’ai déposé une autre question qui figure également à notre ordre du jour. À mon avis, les réponses qui seront données seront du même genre. En effet, des directeurs de prison ont notamment tiré la sonnette d’alarme à ce sujet.

Vous avez pris les choses en main. On sait que cela prend du temps. Le recrutement constitue, en tout cas, un point positif. Il y a aussi et surtout la voie alternative qui consiste à accélérer la collaboration avec le ministre de la Santé. En effet, il y a là effectivement des possibilités de placement de personnes. Mais, en la matière, on a le sentiment que cela traîne un peu des pieds, si je puis m’exprimer ainsi. Je ne pense pas que vous traîniez des pieds. Toutefois, au niveau de la Santé, on semble être un peu lent à la détente.

Pourtant, ces collaborations sont institutionnalisées depuis un certain temps. C’est simplement la mise en œuvre de ces collaborations qui semble prendre du temps. Or, c’est dans cette collaboration que se trouve une partie de la réponse à apporter d’urgence aux internés.

Nous continuerons à suivre ce dossier, ce d’autant que nous avons travaillé avec vous à la rédaction d’un texte. C’est un dossier qui nous est cher. Je pense que c’est également votre cas, mais il est bien que nous puissions le suivre.