Conditions de travail des médecins généralistes dans les établissements pénitentiaires
Conditions de travail des médecins généralistes dans les établissements pénitentiaires

Conditions de travail des médecins généralistes dans les établissements pénitentiaires

Vanessa Matz (cdH): Monsieur le ministre, vous avez été interpellé en novembre 2020 par l’équipe des médecins généralistes de l’établissement pénitentiaire de Lantin et de l’établissement de Défense sociale de Paifve.

Dans un courrier, ceux-ci demandaient une revalorisation de la fonction de médecin au sein du système carcéral. Du reste, leurs conditions de travail ne se sont pas améliorées avec la crise sanitaire que nous connaissons – bien au contraire. Cette revalorisation passe par une augmentation salariale, un logiciel informatique de gestion médicale adapté, des charges administratives mesurées et une liberté de prescription cohérente. Le courrier vous est bien parvenu, puisque vous en avez accusé réception.

Cependant, les médecins restent en attente de réponses et d’initiatives concrètes. En effet, leur métier exige un grand sens de l’adaptabilité. Ils ont mis les bouchées doubles durant la crise sanitaire pour continuer à assurer tous les soins dans les établissements pénitentiaires dans des conditions peu évidentes. Il est légitime qu’ils puissent attendre mieux et plus qu’une prise en considération de leur courrier.

Monsieur le ministre,

  • Confirmez-vous la situation vécue par les médecins dans les établissements pénitentiaires ?
  • Avez-vous établi un nouveau contact avec l’équipe des médecins à la suite de leur dernier courrier du 1er juin 2021 ?
  • Quelles mesures concrètes allez-vous mettre en place pour améliorer les conditions de travail des médecins dans les établissements pénitentiaires ?
  • Des mesures sont-elles mises en place ? Si oui, à quelle échéance ?
  • Voici quelques minutes, nous évoquions le budget et l’importance de revaloriser des fonctions. Cela fait-il partie de vos plans de revalorisation budgétaire ?

Vincent Van Quickenborne, ministre : Chers collègues, j’ai en effet reçu un courrier des médecins et de la commission de surveillance de la prison de Lantin. Je leur ai répondu rapidement et j’ai proposé une rencontre qui a eu lieu le 14 juin. La concertation entre la délégation, mon cabinet et l’administration de la direction générale des établissements pénitentiaires me semblait avoir été constructive mais la délégation m’a cependant fait savoir lundi, un peu avant minuit, que dans l’attente d’une réponse écrite satisfaisante de notre part, elle maintenait la suspension des activités à partir de ce mardi 15 juin. Je ne peux que regretter cette position tant sur le fond que sur la forme.

Des actions de suspension sont donc menées mais la déontologie impose le respect de la continuité des soins. Le bon fonctionnement des services de santé de l’administration pénitentiaire ainsi que la rémunération adéquate de ceux qui y travaillent constituent pour moi une priorité. C’est précisément pour cette raison que la réforme de ces services, de leur organisation et de leur méthode de travail a été inscrite dans l’accord de gouvernement fédéral le 1er octobre 2020.

Pour la mettre en œuvre, j’ai donné instruction à mon administration de reprendre les activités des groupes de travail mis en place dans le cadre de cette réforme lors de la précédente législature. Lors d’une réunion entre la Justice et la Santé publique le 28 mai dernier, le texte de vision élaboré par le précédent groupe de pilotage a été définitivement validé et il a été décidé que les différents groupes de travail devaient reprendre leurs activités. La prochaine réunion entre les présidents des groupes de travail est prévue pour le 23 juin.

Le groupe de pilotage sera également reconstitué. Tous ceux qui ont participé à un stade antérieur à ce comité de pilotage et/ou aux différents groupes de travail seront à nouveau invités. Il a été décidé que l’intégration de détenus à l’INAMI constituera la première phase et que le déploiement ultérieur de la prise en charge se fera par étapes. Il s’agira d’un plan pluriannuel. Aucune date concrète ne peut encore être donnée à ce sujet même si ce dossier avance de façon très concrète. Il y a d’une part le budget et d’autre part, les réformes à mener. S’agissant des prestations, celles-ci seront indexées à partir du 1er juin, ce qui n’avait plus eu lieu depuis 2012.

Concrètement, cela représente une indexation de 7,84 % pour la plupart des prestations, dont celles des psychiatres, et de 3,1 % pour les soins infirmiers et les psychothérapeutes. Une des demandes porte également sur le programme informatique utilisé qui est de fait dépassé. Là également, je soutiens pleinement toutes les avancées favorisant la digitalisation de mes services. Évidemment, cela inclut la refonte du dossier électronique du patient.

Le service mérite un programme qui soit facile à utiliser et qui permette un échange optimal de données avec les prestataires de soins externes. Un premier dossier visant à l’installation d’un nouveau programme avait été préparé par mon prédécesseur, mais à l’époque, le dossier n’avait pas pu aboutir car la société qui avait soumissionné pour le marché ne présentait pas de garanties suffisantes. Alors, mon administration a finalisé un nouveau cahier des charges pour un nouveau programme médical qui soit non seulement user friendly, mais aussi un programme prêt à l’emploi. Outre sa facilité d’utilisation, ce programme sera également compatible avec la plate-forme e-health, de sorte que la communication avec les partenaires extérieurs de la prison pourra se dérouler rapidement et facilement, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

Ce nouveau programme sera également utilisé par l’Office des Étrangers et le cahier des charges a été développé avec sa collaboration. Le dossier sera soumis à l’Inspection des Finances encore ce mois-ci. La publication de ce cahier des charges devrait donc se faire cet été pour un déploiement prévu à l’automne 2021. Vous voyez, chers collègues, qu’il est erroné de penser que les choses ne bougent pas, car de nombreuses actions sont en cours grâce à mon cabinet et à l’administration.

Elles apportent et apporteront des solutions aux problèmes évoqués dans ce courrier. Mais vous conviendrez que des étapes comme le transfert des soins de santé des prisons vers les SPF Santé publique ne peuvent se faire sans une nécessaire réflexion et une préparation – j’en ai déjà discuté longuement avec mon collègue Franck Vandenbroucke.

J’ajoute que, lors de ce transfert, les montants des prestations seront également de nouveau analysés avec attention. Ma lettre écrite a été envoyée encore aujourd’hui. J’attends maintenant une réaction. J’espère que nous pourrons continuer à travailler ensemble pour des solutions à long terme, sans pression d’actions.

Enfin, pour répondre à la question de M. Parent relative au nombre de psychiatres à la prison de Lantin, au 15 juin, la population de cet établissement était de 752 détenus et de 62 détenues, soit un total de 814 personnes, pour lesquelles la prison dispose en principe de deux psychiatres de soins et de trois psychiatres attachés aux services psychosociaux. Je confirme qu’un psychiatre de soins a démissionné, et que nous sommes à la recherche d’un remplaçant, ainsi que d’un troisième psychiatre SPS.

Comme j’ai déjà eu l’occasion de le signaler dans cette commission, il y a malheureusement pénurie de psychiatres sur le marché. Quant aux médecins généralistes attachés à l’établissement pénitentiaire, ceux-ci sont au nombre de 12. En ce qui concerne la rotation des médecins, elle est limitée voire très limitée. Il est en effet rare qu’une personne démissionne. Les départs se font généralement en raison de l’âge. Il n’est cependant pas toujours facile de trouver des médecins pour les remplacer. Je vous remercie.

Vanessa Matz (cdH) : Monsieur le ministre, je vous remercie pour vos réponses. Je n’ai pas compris pourquoi vous disiez qu’ils avaient maintenu leur action de grève si vous leur avez présenté ce que vous venez de nous présenter.

Pensez-vous qu’une revalorisation par l’indexation est suffisante pour leurs demandes ?

Ou faudrait-il une revalorisation salariale plus fondamentale ?

Il reste sans doute une pierre d’achoppement sur ce point-là. Je vous ai entendu sur le service informatique et son déploiement à l’automne. Les procédures de marchés publics empêchent d’aller plus rapidement. Le transfert vers les services de l’INAMI prend du temps également.

Vous avez affiché une volonté d’entrer en contact et vous avez indiqué que les soins étaient une priorité pour vous. Vous dites qu’on est en pénurie de médecins et de psychiatres. Il faudrait pouvoir être inventif et peut-être rendre le travail plus attractif pour qu’il y en ait davantage. Pour une prison comme Lantin, le fait d’avoir deux psychiatres reste évidemment beaucoup trop peu par rapport à la population carcérale. J’espère que la transmission écrite de réponses suite à la négociation permettront de calmer les choses et que cela les satisfera.